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Une vie aux sommets pour pallier une enfance meurtrie


CRASSIER - Alpiniste et aérostier émérite, entre autres, Michel Vogler révèle dans une lettre autobiographique les fêlures qui lui ont donné son énergie.

Pour les Nyonnais de longue date, son patronyme est familier. Michel Vogler est connu pour sa multitude d’expéditions de très haute montagne, pour ses aventures professionnelles à rebondissements ou pour la paternité de l’ensemble de cuivres New Crass Band. Et pourtant, ce patronyme n’était pas le sien. Michel Vogler est né Alain Oggier Dumont d’une mère enfant âgée de 16 ans. «Et surtout, je suis le fruit d’un inceste, donc on a plutôt cherché à effacer mon existence», relate celui qui a eu toutes les peines du monde à retracer sa généalogie entre Fribourg et Genève, où il a passé son enfance.

Cette jeune maman succombe quatre ans après sa naissance, emportée par la tuberculose. Pour lui déclarer son amour et honorer la folle énergie de vie qu’elle lui a transmise, Michel Vogler s’est fendu d’une longue lettre, qui se traduit par un ouvrage autobiographique de 376 pages.

L’enfance de Michel Vogler, dans la famille d’adoption qui lui a donné ce nom devenu si connu dans l’alpinisme, n’a rien d’un conte de fées. «Etoile de mère», le livre publié il y a peu aux éditions de l’Aire, prend par moments des airs de «Vipère au poing». Sous la plume du Crassiéran, la Folcoche d’Hervé Bazin devient Belle-doche, mais la relation mère adoptive – fils est comparable. «Ma fille et moi avons eu des difficultés à rassembler des documents sur mes origines. Par contre, toutes les bêtises que j’ai faites, elles sont protocolées dans des registres officiels», s’amuse le papy de ses trois petits-enfants, Camille, Gaëlle et Attila.

Sortir du rang pour compenser l’absence d’amour

Selon lui, c’est dans le rejet de l’enfance qu’il a puisé l’incroyable force et la résistance qui l’ont conduit plus tard sur de nombreux sommets et surtout qui lui ont permis de rebondir à moult reprises dans une vie excessivement remplie pour un seul homme. «Quand tu n’as pas de père, ni de mère et pas d’amour, tu fais le con pour qu’on te remarque.» Ce défoulement, il l’a exprimé dans le sport, découvrant la joie de la glisse sur les chemins du village, aux portes de Genève. Faute de moyens, il a aussi développé son esprit d’inventeur qui s’est concrétisé, quelques décennies plus tard, par la création d’un nouveau type de fixations de ski pour les pionniers du ski-alpinisme léger.

Mais pour le petit Genevois, l’ivresse de l’altitude a dû attendre. Le chemin qu’on lui avait tracé était plus prosaïque et sans choix: cuisinier ou paysan. Il a opté pour le deuxième, rejoint Changins après un apprentissage à Etoy. Mais la terre, si elle assurait un métier, ne l’a pas retenu.

«J’ai entamé un nouvel apprentissage: constructeur naval, dans le but de foutre le camp.» Michel Vogler s’est au contraire bien ancré dans la région nyonnaise, tout en conservant son envie d’aventure et de défis. Simultanément à la tête d’un chantier naval «La Cour des miracles» et d’un magasin de skis à la rue Juste-Olivier, l’homme a enchaîné les régates dans le haut du panier des navigateurs suisses, avant de se tourner vers la haute montagne: 27 ascensions du Mont-Blanc et la conquête des sommets de l’Himalaya, de la Cordillère des Andes et de l’Alaska en tant que chef d’expédition. Cette hyperactivité, qui l’a conduit à aligner des défis sportifs de folie, a fini par avoir raison de sa vie de famille. Le divorce allait de pair avec un job à réinventer. Ce seront les travaux d’entretien acrobatiques. «Toute notre vie est trajectoire. C’est le rebond qui nous fait vivre. Lorsque celui-ci cesse, il faut inventer. Sinon notre dernier souffle est proche», écrit-il.

Grisé par l’altitude, il a décroché encore une licence de pilote avant de créer le Centre aérostier du Léman. Parallèlement, avec ses «amis souffleurs», il a fondé The New Crass Band qui a cumulé les concerts dans notre région et en France voisine avant une apothéose à Morat lors d’Expo.02.

Une vie consignée en carnets

«Ecrire ce livre m’a fait du bien. On se met à poil… et on évite le psy», lâche Michel Vogler. Outre la mémoire parfaitement vive, celui que son statut de fonctionnaire fédéral (à Changins) a forcé à grader, a conservé de l’armée sa discipline quotidienne de tout noter de ses journées dans ses petits carnets. «Les officiers devaient avoir dans la casquette l’ordre du jour heure par heure, de la diane à la déconsignation du soir. Dès 1964, j’ai tenu un journal quotidien de mes journées, ceci jusqu’en 2010.»

Et maintenant, à 76 ans, ne redoute-t-il pas l’après point final de son unique livre? «Non, j’ai encore de nombreux projets et tant d’amis à voir», lâche le Crassiéran, récemment honoré d’un mérite «coup de cœur» de la part de ses pairs, sportifs nyonnais. Michel Vogler dédicacera son ouvrage «Etoile de mère» (376 p. Ed. de l’Aire) samedi 3 juin de 11h à 12h30 chez Payot Nyon La Combe.

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